Chroniques
LA PLUME DU FAUCON
Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.
Va-t-il me rappeler ? Est-ce que je m'engage ? Allons-nous nous entendre ? Du premier regard à la cohabitation longue durée, la vie à deux se construit pas à pas, en levant un doute après l’autre. Comment en venir à bout ? Conseils de Robert Neuburger, psychiatre et psychanalyste, et confidences conjugales.
Gorge serrée des premiers rendez-vous, crainte de la première nuit, appréhension de la cohabitation… A chaque étape de la vie de couple, la peur intervient. Car l’expérience de la vie à deux est celle qui bouleverse le plus notre identité profonde. Contrairement aux idées reçues, le couple se construit sur le risque et dans l’insécurité. Bien sûr, les peurs varient selon l’âge, l’expérience et le niveau de confiance en soi de chacun des partenaires. Pourtant, pour les jeunes couples comme pour les anciens, la peur n’est pas seulement un frein. Elle est souvent un moteur, un indicateur de nos émotions profondes. Le problème, c’est son degré d’intensité : quand elle devient paralysante, elle peut être fatale à la relation. Mieux connaître ces peurs, c’est apprendre à les surmonter.
Ils ont eu leur premier rendez-vous en tête à tête. Deux jours après, il hésite : “Est-ce que je dois la rappeler ? Veut-elle que nous nous revoyions ?” Elle ne comprend pas : “Pourquoi ne rappelle-t-il pas ? Ai-je fait ou dit quelque chose qui lui a déplu ?”
Dans les tout premiers temps de la rencontre, chacun se « prête » à l’autre, mais ne se « donne » pas. Tout se joue sur le désir. Les craintes très répandues – ne pas plaire, ne pas être à la hauteur, être introverti… – sont davantage liées à notre histoire personnelle qu’à l’histoire à deux qui débute. La peur essentielle du nouveau duo est celle de l’inconnu. Aucun des partenaires ne sait où la relation et l’autre vont l’entraîner. C’est le règne de l’insécurité.
La solution : apprendre à lâcher prise, accepter de perdre le contrôle, de se laisser aller aux troubles de l’inconnu. C’est le goût unique des premières fois. La suite de l’histoire se dessinera peu à peu, en conjuguant écoute de l’autre et affirmation de soi.
La rencontre
Va-t-il (elle) m’appeler ?
Ils ont eu leur premier rendez-vous en tête à tête. Deux jours après, il hésite : “Est-ce que je dois la rappeler ? Veut-elle que nous nous revoyions ?” Elle ne comprend pas : “Pourquoi ne rappelle-t-il pas ? Ai-je fait ou dit quelque chose qui lui a déplu ?”
Dans les tout premiers temps de la rencontre, chacun se « prête » à l’autre, mais ne se « donne » pas. Tout se joue sur le désir. Les craintes très répandues – ne pas plaire, ne pas être à la hauteur, être introverti… – sont davantage liées à notre histoire personnelle qu’à l’histoire à deux qui débute. La peur essentielle du nouveau duo est celle de l’inconnu. Aucun des partenaires ne sait où la relation et l’autre vont l’entraîner. C’est le règne de l’insécurité.
La solution : apprendre à lâcher prise, accepter de perdre le contrôle, de se laisser aller aux troubles de l’inconnu. C’est le goût unique des premières fois. La suite de l’histoire se dessinera peu à peu, en conjuguant écoute de l’autre et affirmation de soi.
La première nuit
Serai-je à la hauteur ?
Ce soir, c’est “le” soir. Elle se demande : “Aura-t-il envie de moi ? Aurai-je honte de me montrer nue ?” Lui n’a qu’une pensée en tête : “Serai-je à la hauteur ?”
Se donner à voir, sentir, découvrir les formes, la peau, les caresses de l’autre, ses maladresses aussi : le premier corps à corps est toujours source d’inquiétudes. Les masques tombent : plus de « triche » possible. Normales, ces appréhensions participent du désir et du plaisir. Pour ne pas être obsédé(e) par son image, ses imperfections, le jugement de son partenaire, rappelons-nous que le désir n’est pas affaire d’esthétique ou de performance, mais de rencontre et de partage. Et la première nuit n’est pas décisive. Il y a toujours une séance de rattrapage…
La relation
Est-ce que je m’engage ?
Ils se voient depuis deux semaines, de plus en plus régulièrement. Il s’interroge : “Veut-elle une vraie relation ou une simple aventure ?” Elle s’inquiète déjà : “Ne va-t-il pas être trop présent, m’étouffer ?” Ou, s’il est trop distant : “M’aime-t-il vraiment ?”
Désormais, l’engagement est en jeu. Il ne s’agit plus de se prêter, mais de se donner. Le don de soi, de son temps, de son énergie, de son intimité implique la réciprocité. A ce moment de la relation, il y a de vraies raisons d’avoir peur de ses réactions comme de celles de son partenaire. Chacun peut se révéler avare de lui-même ou trop généreux. Face à l’engagement, certains choisissent la fuite, pour de multiples raisons : échecs précédents, volonté de ne pas sombrer dans sa tendance naturelle à la fusion, sentiment d’être envahi trop vite ou trop fort…
Pas de recettes pour trouver la juste distance. Elle s’invente au quotidien. Il existe cependant une règle de base : dire dès le début ce que l’on attend de la relation. Oser exprimer ses craintes, ses besoins, ses désirs permet d’éviter les malentendus originels.
La cohabitation
Allons-nous nous entendre ?
Ils s’apprêtent à emménager ensemble. Lui, très ordonné, n’a qu’une crainte : “Vais-je supporter son désordre ? Elle, couche-tôt, panique : “Est-il aussi couche-tard qu’il le dit ?”
Quand la cohabitation est décidée, la vie à deux devient plus rassurante. Les fondations de la « maison couple » sont établies, même si elle n’est pas encore construite. Chacun peut se montrer tel qu’il est vraiment et sortir de la parade de la séduction. S’engage alors une autre découverte : celle du quotidien et, avec elle, la peur de « casser » son image, de décevoir ou d’être déçu(e) par le partenaire.
Pour éviter ces mauvaises surprises, première règle de prudence : ne pas se précipiter pour vivre ensemble. La cohabitation partielle est un excellent test : week-ends, semaines de temps en temps, vacances communes, permettent de faire la part du rêve et celle de la réalité.
Le partage des valeurs
Pensons-nous de la même façon ?
Alors qu’ils dînent chez des amis, il raconte en plaisantant leur dernière dispute et leur réconciliation sur l’oreiller. Elle, outrée : “Comment peut-il être aussi impudique ?”
Jusqu’à présent, chacun était pris dans l’« énamouration », et les discussions « sérieuses » étaient peu abordées. Au fil du temps et de l’investissement dans la relation, le partage du plaisir ne suffit plus. Celui des valeurs – liberté, loyauté, fidélité – devient essentiel à la construction d’un couple solide. Pour se comprendre et trouver un équilibre, les partenaires ont besoin de références communes. Or ces valeurs dépendent de l’histoire familiale de chacun, de son éducation, de son parcours personnel. La peur de l’« incompatibilité » peut compromettre la construction d’un vrai duo solidaire.
La communication est la seule solution pour s’assurer que le couple avance bien sur les mêmes bases. Chaque attitude de notre partenaire qui nous a déplu(e) – voire blessé(e) – doit être l’occasion d’une discussion approfondie et d’une mise au point. Il ne s’agit pas de renoncer ou de le(la) faire renoncer à ses valeurs, mais de parvenir à un respect mutuel et de trouver le terrain d’entente du couple.
L’investissement
Est-ce que j’aime mon couple ?
Ils vivent ensemble depuis un an, heureux. Elle rêve : “Pourquoi ne pas acheter un appartement, avec, peut-être, une chambre supplémentaire ?” Il refuse : “Nous sommes très bien comme ça, pourquoi changer ?” C’est l’heure des choix à deux : mode de vie, bébé, maison, etc. Et des priorités. La construction de la « maison couple » modifie nos rapports avec nos amis, nos parents. Nous les voyons moins, nous culpabilisons. L’angoisse devant ces changements est accentuée lorsque des enfants de précédentes unions entrent en jeu. La crainte la plus fréquente est alors de privilégier l’une des deux parties en présence au détriment de l’autre.
A ce stade, nous devons choisir d’investir le couple avant tout, pour qu’il s’invente au quotidien et s’affirme face à l’extérieur. Plutôt que culpabiliser, mieux vaut s’interroger : le couple que nous formons me plaît-il vraiment ? Est-ce que je crois en lui ? Est-ce que j’ai envie qu’il se consolide et qu’il dure ? Si la réponse à ces questions est oui, l’ordre des priorités est établi. Reste à l’assumer.
Le couple au long cours
Ai-je encore peur ?
Quinze ans plus tard, la vie commune est rodée. Elle ne s’inquiète que pour ses enfants : “L’aîné va-t-il réussir son bac ? Mon mari ? Il a l’air d’aller bien.” Lui : “Ah bon, vous trouvez que ma femme a changé ?”
Le couple s’est trouvé une identité, a construit sa propre histoire. Pris dans la sécurité du quotidien, il a cessé ou « oublié » d’avoir peur. Notre partenaire semble acquis à vie. Quand nous n’avons plus peur, nous sous-estimons l’autre et le jugeons incapable de séduire ou de vivre seul. A tort.
Dans les couples au long cours, il est salutaire de stimuler la peur. Une escapade en solo, une confidence sur la sollicitation d’un admirateur peuvent réveiller un partenaire trop endormi. Et lui rappeler notre pouvoir de séduction. L’enjeu à ce stade se situe sur la surprise, la créativité du couple, sur sa capacité à inventer des rites, des retrouvailles, des fêtes amoureuses, à jouer… à se faire peur !
Témoignages
Sylvia, 25 ans, esthéticienne, vit depuis trois ans avec Luc, 26 ans, qui travaille dans une agence de voyages. Ils n’ont pas d’enfant.
« J’ai vécu seule pendant trois ans avant de rencontrer Luc. Je sortais beaucoup le soir avec des amies et je faisais du sport. Pour moi, c’était tout naturel de continuer. J’étais convaincue que Luc en profiterait pour en faire autant. Mais, la plupart du temps, il préférait rester seul à la maison.
Un jour, il m’a annoncé que, malgré son amour, il songeait à me quitter. Il ne voyait plus l’intérêt de former un couple si nous étions si rarement ensemble. Ses paroles m’ont terrorisée. Mais elles m’ont permis de comprendre que je tenais vraiment à lui. En fait, je n’avais rien changé à ma façon de vivre car je craignais d’être engloutie par notre couple. J’avais très peur de perdre ma liberté, si chèrement acquise en quittant mes parents. La menace de Luc a agi comme un révélateur. J’ai compris que je devais choisir entre ma vie de célibataire et mon couple.
Depuis, je m’efforce de l’intégrer beaucoup plus à ma vie sociale. Et je découvre que c’est agréable et beaucoup moins étouffant que je ne le craignais. Mais je m’autorise toujours une soirée par mois seule avec mes copines ! »
Paul, 34 ans, vétérinaire, vit depuis quatre ans avec Elise, 28 ans, comédienne. Elise est enceinte.
« J’en ai été le premier surpris, mais vivre en couple, c’est comme sauter dans le vide. Au début, j’avais le sentiment de perdre tous mes repères. Comme j’ai la phobie d’être envahi, après avoir demandé son avis à Elise, j’ai divisé l’appartement en deux, avec des pièces communes – cuisine, chambre, salon… – et d’autres privées, comme nos bureaux.
Mais je n’avais pas prévu son sens de l’hospitalité très développé. Une fois par semaine, nous hébergeons un ami de province. Il dort dans mon bureau. J’ai l’impression d’être exproprié. D’un côté, j’apprécie le côté bohème qu’Elise imprime à notre vie, mais de l’autre, je suis nostalgique de ma tranquillité passée. Souvent, je ne sais plus qui je suis vraiment, fermé ou généreux. Pour y voir plus clair, je repense à ma vie d’avant, très organisée, sans surprise. Ce retour en arrière me suffit pour savoir que mon vrai moi, même s’il en souffre parfois, est celui qui partage la vie d’Elise ! »
Michaël, 29 ans, professeur d’histoire, vit depuis cinq ans avec Gertrude, 27 ans, professeur de mathématiques. Ils n’ont pas d’enfant.
« Une chose m’a toujours dérangé chez Gertrude : sa curiosité. Dès le début, elle a voulu savoir comment j’avais vécu mon enfance, ce que je ressentais avec nos amis, dans certaines situations… Moi, je vivais cela comme une mise à nu.
Ça me faisait peur, je me sentais vulnérable et transparent. Nous nous disputions régulièrement autour de ce que j’appelais “ses interrogatoires”. Un jour, j’en ai parlé à mon frère, qui m’a répondu : “Tu as de la chance d’avoir une femme qui s’intéresse autant à toi. En général, elles passent plus de temps à parler d’elles qu’à s’interroger sur nos états d’âme. Profites-en !” Sa réaction m’a beaucoup aidé. Depuis cette conversation, je sais que sa curiosité est sa façon de m’aimer. Et je vis moins ses questions comme une inquisition. Du coup, je parle beaucoup plus facilement. »
Geneviève, 35 ans, journaliste, vit depuis sept ans avec François, 41 ans, directeur des ressources humaines. Ils ont un enfant de 5 ans. François a un enfant de 15 ans d’un précédent mariage.
« Les deux premières années, nous vivions une relation sexuelle très intense. Puis les sollicitations de François se sont espacées. Je me suis dit que nous tombions dans ce schéma habituel que je connaissais hélas trop bien pour l’avoir vécu dans mes précédents couples. Pour en sortir, j’ai commencé à harceler sexuellement François. Je me disais que plus nous ferions l’amour, moins il serait tenté d’aller voir ailleurs.
Mais nos relations devenaient artificielles. Nous en avons discuté, il m’a avoué qu’il était trop préoccupé par son travail pour bien faire l’amour. Mais je restais obsédée par cette baisse de désir. Jusqu’à ce que ma tante perde son mari, après quarante ans d’harmonie. Son chagrin m’a bouleversée et je me suis trouvée ridicule. J’étais en train de gâcher le présent avec François à cause de mes craintes sur l’avenir. Cette mort m’a ramenée à la réalité. J’ai décidé de faire confiance, à François et à la vie. Et ça nous réussit plutôt bien ! »
(Témoignages recueillis par Isabelle Yhuel)
Des pistes pour avancer
- Ensemble: un bilan une fois par an
Faire son bilan de couple chaque année est un rite efficace. Il permet de percevoir ses propres changements et ceux de son partenaire, de faire le point sur les attentes de chacun. « Où en sommes-nous ensemble ? Et chacun de notre côté ? »
La question – ou plutôt la réponse – est angoissante, car toutes les remises en cause sont possibles. Mais se poser à temps, et régulièrement, des questions simples peut permettre d’éviter l’échec.
- Seul(e) : le journal de vos peurs
Ecrivez vos principales histoires d’amour et décrivez, pour chacune, vos grandes peurs et les moments où vous les avez dépassées.
« Pensez aussi aux moments où vous avez su tirer la leçon de vos peurs, conseille le thérapeute de couple Robert Neuburger. Car même si elles sont parfois “piégeuses” et nous empêchent d’avancer, elles tombent souvent juste. Ecoutez-les avant de les écarter. Ce sont des sonnettes d’alarme. »
Par : Anne-Laure Gannac
Sur : www.psychologies.com
Gorge serrée des premiers rendez-vous, crainte de la première nuit, appréhension de la cohabitation… A chaque étape de la vie de couple, la peur intervient. Car l’expérience de la vie à deux est celle qui bouleverse le plus notre identité profonde. Contrairement aux idées reçues, le couple se construit sur le risque et dans l’insécurité. Bien sûr, les peurs varient selon l’âge, l’expérience et le niveau de confiance en soi de chacun des partenaires. Pourtant, pour les jeunes couples comme pour les anciens, la peur n’est pas seulement un frein. Elle est souvent un moteur, un indicateur de nos émotions profondes. Le problème, c’est son degré d’intensité : quand elle devient paralysante, elle peut être fatale à la relation. Mieux connaître ces peurs, c’est apprendre à les surmonter.
Ils ont eu leur premier rendez-vous en tête à tête. Deux jours après, il hésite : “Est-ce que je dois la rappeler ? Veut-elle que nous nous revoyions ?” Elle ne comprend pas : “Pourquoi ne rappelle-t-il pas ? Ai-je fait ou dit quelque chose qui lui a déplu ?”
Dans les tout premiers temps de la rencontre, chacun se « prête » à l’autre, mais ne se « donne » pas. Tout se joue sur le désir. Les craintes très répandues – ne pas plaire, ne pas être à la hauteur, être introverti… – sont davantage liées à notre histoire personnelle qu’à l’histoire à deux qui débute. La peur essentielle du nouveau duo est celle de l’inconnu. Aucun des partenaires ne sait où la relation et l’autre vont l’entraîner. C’est le règne de l’insécurité.
La solution : apprendre à lâcher prise, accepter de perdre le contrôle, de se laisser aller aux troubles de l’inconnu. C’est le goût unique des premières fois. La suite de l’histoire se dessinera peu à peu, en conjuguant écoute de l’autre et affirmation de soi.
La rencontre
Va-t-il (elle) m’appeler ?
Ils ont eu leur premier rendez-vous en tête à tête. Deux jours après, il hésite : “Est-ce que je dois la rappeler ? Veut-elle que nous nous revoyions ?” Elle ne comprend pas : “Pourquoi ne rappelle-t-il pas ? Ai-je fait ou dit quelque chose qui lui a déplu ?”
Dans les tout premiers temps de la rencontre, chacun se « prête » à l’autre, mais ne se « donne » pas. Tout se joue sur le désir. Les craintes très répandues – ne pas plaire, ne pas être à la hauteur, être introverti… – sont davantage liées à notre histoire personnelle qu’à l’histoire à deux qui débute. La peur essentielle du nouveau duo est celle de l’inconnu. Aucun des partenaires ne sait où la relation et l’autre vont l’entraîner. C’est le règne de l’insécurité.
La solution : apprendre à lâcher prise, accepter de perdre le contrôle, de se laisser aller aux troubles de l’inconnu. C’est le goût unique des premières fois. La suite de l’histoire se dessinera peu à peu, en conjuguant écoute de l’autre et affirmation de soi.
La première nuit
Serai-je à la hauteur ?
Ce soir, c’est “le” soir. Elle se demande : “Aura-t-il envie de moi ? Aurai-je honte de me montrer nue ?” Lui n’a qu’une pensée en tête : “Serai-je à la hauteur ?”
Se donner à voir, sentir, découvrir les formes, la peau, les caresses de l’autre, ses maladresses aussi : le premier corps à corps est toujours source d’inquiétudes. Les masques tombent : plus de « triche » possible. Normales, ces appréhensions participent du désir et du plaisir. Pour ne pas être obsédé(e) par son image, ses imperfections, le jugement de son partenaire, rappelons-nous que le désir n’est pas affaire d’esthétique ou de performance, mais de rencontre et de partage. Et la première nuit n’est pas décisive. Il y a toujours une séance de rattrapage…
La relation
Est-ce que je m’engage ?
Ils se voient depuis deux semaines, de plus en plus régulièrement. Il s’interroge : “Veut-elle une vraie relation ou une simple aventure ?” Elle s’inquiète déjà : “Ne va-t-il pas être trop présent, m’étouffer ?” Ou, s’il est trop distant : “M’aime-t-il vraiment ?”
Désormais, l’engagement est en jeu. Il ne s’agit plus de se prêter, mais de se donner. Le don de soi, de son temps, de son énergie, de son intimité implique la réciprocité. A ce moment de la relation, il y a de vraies raisons d’avoir peur de ses réactions comme de celles de son partenaire. Chacun peut se révéler avare de lui-même ou trop généreux. Face à l’engagement, certains choisissent la fuite, pour de multiples raisons : échecs précédents, volonté de ne pas sombrer dans sa tendance naturelle à la fusion, sentiment d’être envahi trop vite ou trop fort…
Pas de recettes pour trouver la juste distance. Elle s’invente au quotidien. Il existe cependant une règle de base : dire dès le début ce que l’on attend de la relation. Oser exprimer ses craintes, ses besoins, ses désirs permet d’éviter les malentendus originels.
La cohabitation
Allons-nous nous entendre ?
Ils s’apprêtent à emménager ensemble. Lui, très ordonné, n’a qu’une crainte : “Vais-je supporter son désordre ? Elle, couche-tôt, panique : “Est-il aussi couche-tard qu’il le dit ?”
Quand la cohabitation est décidée, la vie à deux devient plus rassurante. Les fondations de la « maison couple » sont établies, même si elle n’est pas encore construite. Chacun peut se montrer tel qu’il est vraiment et sortir de la parade de la séduction. S’engage alors une autre découverte : celle du quotidien et, avec elle, la peur de « casser » son image, de décevoir ou d’être déçu(e) par le partenaire.
Pour éviter ces mauvaises surprises, première règle de prudence : ne pas se précipiter pour vivre ensemble. La cohabitation partielle est un excellent test : week-ends, semaines de temps en temps, vacances communes, permettent de faire la part du rêve et celle de la réalité.
Le partage des valeurs
Pensons-nous de la même façon ?
Alors qu’ils dînent chez des amis, il raconte en plaisantant leur dernière dispute et leur réconciliation sur l’oreiller. Elle, outrée : “Comment peut-il être aussi impudique ?”
Jusqu’à présent, chacun était pris dans l’« énamouration », et les discussions « sérieuses » étaient peu abordées. Au fil du temps et de l’investissement dans la relation, le partage du plaisir ne suffit plus. Celui des valeurs – liberté, loyauté, fidélité – devient essentiel à la construction d’un couple solide. Pour se comprendre et trouver un équilibre, les partenaires ont besoin de références communes. Or ces valeurs dépendent de l’histoire familiale de chacun, de son éducation, de son parcours personnel. La peur de l’« incompatibilité » peut compromettre la construction d’un vrai duo solidaire.
La communication est la seule solution pour s’assurer que le couple avance bien sur les mêmes bases. Chaque attitude de notre partenaire qui nous a déplu(e) – voire blessé(e) – doit être l’occasion d’une discussion approfondie et d’une mise au point. Il ne s’agit pas de renoncer ou de le(la) faire renoncer à ses valeurs, mais de parvenir à un respect mutuel et de trouver le terrain d’entente du couple.
L’investissement
Est-ce que j’aime mon couple ?
Ils vivent ensemble depuis un an, heureux. Elle rêve : “Pourquoi ne pas acheter un appartement, avec, peut-être, une chambre supplémentaire ?” Il refuse : “Nous sommes très bien comme ça, pourquoi changer ?” C’est l’heure des choix à deux : mode de vie, bébé, maison, etc. Et des priorités. La construction de la « maison couple » modifie nos rapports avec nos amis, nos parents. Nous les voyons moins, nous culpabilisons. L’angoisse devant ces changements est accentuée lorsque des enfants de précédentes unions entrent en jeu. La crainte la plus fréquente est alors de privilégier l’une des deux parties en présence au détriment de l’autre.
A ce stade, nous devons choisir d’investir le couple avant tout, pour qu’il s’invente au quotidien et s’affirme face à l’extérieur. Plutôt que culpabiliser, mieux vaut s’interroger : le couple que nous formons me plaît-il vraiment ? Est-ce que je crois en lui ? Est-ce que j’ai envie qu’il se consolide et qu’il dure ? Si la réponse à ces questions est oui, l’ordre des priorités est établi. Reste à l’assumer.
Le couple au long cours
Ai-je encore peur ?
Quinze ans plus tard, la vie commune est rodée. Elle ne s’inquiète que pour ses enfants : “L’aîné va-t-il réussir son bac ? Mon mari ? Il a l’air d’aller bien.” Lui : “Ah bon, vous trouvez que ma femme a changé ?”
Le couple s’est trouvé une identité, a construit sa propre histoire. Pris dans la sécurité du quotidien, il a cessé ou « oublié » d’avoir peur. Notre partenaire semble acquis à vie. Quand nous n’avons plus peur, nous sous-estimons l’autre et le jugeons incapable de séduire ou de vivre seul. A tort.
Dans les couples au long cours, il est salutaire de stimuler la peur. Une escapade en solo, une confidence sur la sollicitation d’un admirateur peuvent réveiller un partenaire trop endormi. Et lui rappeler notre pouvoir de séduction. L’enjeu à ce stade se situe sur la surprise, la créativité du couple, sur sa capacité à inventer des rites, des retrouvailles, des fêtes amoureuses, à jouer… à se faire peur !
Témoignages
Sylvia, 25 ans, esthéticienne, vit depuis trois ans avec Luc, 26 ans, qui travaille dans une agence de voyages. Ils n’ont pas d’enfant.
« J’ai vécu seule pendant trois ans avant de rencontrer Luc. Je sortais beaucoup le soir avec des amies et je faisais du sport. Pour moi, c’était tout naturel de continuer. J’étais convaincue que Luc en profiterait pour en faire autant. Mais, la plupart du temps, il préférait rester seul à la maison.
Un jour, il m’a annoncé que, malgré son amour, il songeait à me quitter. Il ne voyait plus l’intérêt de former un couple si nous étions si rarement ensemble. Ses paroles m’ont terrorisée. Mais elles m’ont permis de comprendre que je tenais vraiment à lui. En fait, je n’avais rien changé à ma façon de vivre car je craignais d’être engloutie par notre couple. J’avais très peur de perdre ma liberté, si chèrement acquise en quittant mes parents. La menace de Luc a agi comme un révélateur. J’ai compris que je devais choisir entre ma vie de célibataire et mon couple.
Depuis, je m’efforce de l’intégrer beaucoup plus à ma vie sociale. Et je découvre que c’est agréable et beaucoup moins étouffant que je ne le craignais. Mais je m’autorise toujours une soirée par mois seule avec mes copines ! »
Paul, 34 ans, vétérinaire, vit depuis quatre ans avec Elise, 28 ans, comédienne. Elise est enceinte.
« J’en ai été le premier surpris, mais vivre en couple, c’est comme sauter dans le vide. Au début, j’avais le sentiment de perdre tous mes repères. Comme j’ai la phobie d’être envahi, après avoir demandé son avis à Elise, j’ai divisé l’appartement en deux, avec des pièces communes – cuisine, chambre, salon… – et d’autres privées, comme nos bureaux.
Mais je n’avais pas prévu son sens de l’hospitalité très développé. Une fois par semaine, nous hébergeons un ami de province. Il dort dans mon bureau. J’ai l’impression d’être exproprié. D’un côté, j’apprécie le côté bohème qu’Elise imprime à notre vie, mais de l’autre, je suis nostalgique de ma tranquillité passée. Souvent, je ne sais plus qui je suis vraiment, fermé ou généreux. Pour y voir plus clair, je repense à ma vie d’avant, très organisée, sans surprise. Ce retour en arrière me suffit pour savoir que mon vrai moi, même s’il en souffre parfois, est celui qui partage la vie d’Elise ! »
Michaël, 29 ans, professeur d’histoire, vit depuis cinq ans avec Gertrude, 27 ans, professeur de mathématiques. Ils n’ont pas d’enfant.
« Une chose m’a toujours dérangé chez Gertrude : sa curiosité. Dès le début, elle a voulu savoir comment j’avais vécu mon enfance, ce que je ressentais avec nos amis, dans certaines situations… Moi, je vivais cela comme une mise à nu.
Ça me faisait peur, je me sentais vulnérable et transparent. Nous nous disputions régulièrement autour de ce que j’appelais “ses interrogatoires”. Un jour, j’en ai parlé à mon frère, qui m’a répondu : “Tu as de la chance d’avoir une femme qui s’intéresse autant à toi. En général, elles passent plus de temps à parler d’elles qu’à s’interroger sur nos états d’âme. Profites-en !” Sa réaction m’a beaucoup aidé. Depuis cette conversation, je sais que sa curiosité est sa façon de m’aimer. Et je vis moins ses questions comme une inquisition. Du coup, je parle beaucoup plus facilement. »
Geneviève, 35 ans, journaliste, vit depuis sept ans avec François, 41 ans, directeur des ressources humaines. Ils ont un enfant de 5 ans. François a un enfant de 15 ans d’un précédent mariage.
« Les deux premières années, nous vivions une relation sexuelle très intense. Puis les sollicitations de François se sont espacées. Je me suis dit que nous tombions dans ce schéma habituel que je connaissais hélas trop bien pour l’avoir vécu dans mes précédents couples. Pour en sortir, j’ai commencé à harceler sexuellement François. Je me disais que plus nous ferions l’amour, moins il serait tenté d’aller voir ailleurs.
Mais nos relations devenaient artificielles. Nous en avons discuté, il m’a avoué qu’il était trop préoccupé par son travail pour bien faire l’amour. Mais je restais obsédée par cette baisse de désir. Jusqu’à ce que ma tante perde son mari, après quarante ans d’harmonie. Son chagrin m’a bouleversée et je me suis trouvée ridicule. J’étais en train de gâcher le présent avec François à cause de mes craintes sur l’avenir. Cette mort m’a ramenée à la réalité. J’ai décidé de faire confiance, à François et à la vie. Et ça nous réussit plutôt bien ! »
(Témoignages recueillis par Isabelle Yhuel)
Des pistes pour avancer
- Ensemble: un bilan une fois par an
Faire son bilan de couple chaque année est un rite efficace. Il permet de percevoir ses propres changements et ceux de son partenaire, de faire le point sur les attentes de chacun. « Où en sommes-nous ensemble ? Et chacun de notre côté ? »
La question – ou plutôt la réponse – est angoissante, car toutes les remises en cause sont possibles. Mais se poser à temps, et régulièrement, des questions simples peut permettre d’éviter l’échec.
- Seul(e) : le journal de vos peurs
Ecrivez vos principales histoires d’amour et décrivez, pour chacune, vos grandes peurs et les moments où vous les avez dépassées.
« Pensez aussi aux moments où vous avez su tirer la leçon de vos peurs, conseille le thérapeute de couple Robert Neuburger. Car même si elles sont parfois “piégeuses” et nous empêchent d’avancer, elles tombent souvent juste. Ecoutez-les avant de les écarter. Ce sont des sonnettes d’alarme. »
Par : Anne-Laure Gannac
Sur : www.psychologies.com