Chronicles
THE WRITINGS OF FAUCON
You will find several articles dealing with mainly social trends relate to a couples life. Mr. Leblanc is a columnist for various newspapers and magazines and his writing style says a lot about him. Hot topics, sprinkled with humor, there is something for any and all readers.
Aujourd’hui, la parole est devenue reine, bien avant le regard ou le geste… Mais doit-on vraiment parler de la relation sans arrêt, la disséquer et tout se dire pour bien s’entendre ? Pas sûr… Le couple a aussi besoin de silence.
Jusqu’à une époque pas si lointaine, le couple se souciait peu de mettre sur la table ses problèmes. Les non-dits s’accumulaient, la rancoeur s’installait, donnant naissance à une incompréhension totale, voire à une violence insidieuse et constante. Les thérapeutes de couple d’abord, les magazines féminins ensuite, se sont unis pour délivrer un message unanime : le couple doit se parler. Mais se parler pour dire quoi ? « Assieds-toi, il faut qu’on parle… » Si ce mot d’ordre finit par ne résonner qu’en écho d’une infinie plainte, n’est-ce pas parce que ces échanges ne sont souvent destinés qu’à demander des comptes à l’autre ou à formuler des reproches ? « La discussion dans le couple se résume fréquemment à un brouhaha de récriminations, qui masquent plus les frustrations qu’elles ne les lèvent, constate la psychanalyste Sophie Cadalen, auteure notamment d’Inventer son couple, préserver le désir au quotidien (Eyrolles, 2006). Parce que dans ce flot de paroles, il est rarement question de chacun en tant que sujet singulier. Au lieu de s’avancer vers son partenaire avec une parole sur soi, avec ses doutes, on entame une partie de ping-pong où l’un et l’autre restent plus sur la défensive que dans la compréhension du problème. Résultat : aucune parole nouvelle n’émerge, chacun en sort conforté dans ses certitudes, d’où, bien souvent, le sentiment que discuter ne sert finalement à rien. »
Tout savoir, tout maîtriser ?
Coincés dans cette injonction de tout se dire, nous confondons parfois exigence de se parler avec souci d’honnêteté. Cette dissection permanente est une tentative de tout comprendre de l’autre, donc de le maîtriser. Mais chacun a des angoisses inintelligibles, peu communicables avec des mots, et qu’il vaut mieux garder pour soi. Après trois ans de vie commune, Hélène est tombée de haut le jour où son compagnon lui a avoué qu’il avait des difficultés à se sentir amoureux, ayant subi la tyrannie d’une mère castratrice. Avec le recul, elle se serait bien passée de cette explication qu’elle avait provoquée.
La sexologue et thérapeute de couple Ghislaine Paris, auteure de Faire l’amour pour éviter la guerre dans le couple (Albin Michel, 2010) voit tous les jours des patients confrontés à ce dilemme : « L’amour échappe à un schéma rationnel, il n’y a pas de réponse claire et tranchée, les sentiments sont fluctuants, les mots ne recouvrent jamais totalement l’émotion en jeu, d’où un grand nombre de malentendus. Pour moi, le couple communique plus avec le regard, la gestuelle, l’intonation, l’odeur. Voilà ce qui nous place en empathie avec ce que ressent vraiment l’autre. » « Dans le “il faut parler”, j’entends le côté besogneux de la communication, comme s’il s’agissait d’un devoir du couple, souligne Sophie Cadalen. Mais de nombreuses situations s’éclaircissent d’elles-mêmes, sans faire forcément l’objet d’un débat. »
D'autres façons de s'entendre
De nombreux couples règlent bien des difficultés en pratiquant une activité ensemble, comme Anne, qui part en balade réconciliatrice avec son mari en montagne : ils reviennent tous deux « lavés » de leurs soucis par l’effort et la transpiration ! Quand ils sentent pointer un problème, d’autres renforcent leur attention à l’autre et se passent de grands discours… « Trop de parole tue la parole, met en garde Sophie Cadalen. Comme en analyse, le couple a besoin de traverser des périodes de silence. Elles constituent une vraie respiration, qui donnera plus de sens à ce qui sera dit par la suite. » Sans compter que les mots peuvent faire des ravages… « Avec mon premier mari, nous passions notre temps à discuter, nous nous sommes dit des choses terribles, pas effaçables », se souvient Isabelle, 44 ans, qui se garde bien de recommencer la même erreur avec son nouveau compagnon.
Bien sûr, il ne s’agit pas de ne jamais se parler. Certains problèmes nécessitent une discussion, et se taire reviendrait à une fuite. Mais comment entamer un véritable échange ? Tout d’abord, en prenant le temps d’analyser nos sentiments, ce que nous voulons transmettre, ce qui évite de déclencher une discussion sous le coup de la colère. Tout en nous gardant bien d’analyser notre couple comme le bilan d’une entreprise. « Même derrière des sujets anodins tels que les vacances ou l’argent, chacun parle de soi, de son éducation, de sa famille. Il y a toujours beaucoup d’émotion, il ne s’agit jamais d’éléments factuels à régler froidement. Pour se parler vraiment, chacun doit pouvoir exprimer son ressenti, en demandant à l’autre sincèrement ce qu’il ressent lui aussi », préconise Ghislaine Paris. Parmi ses patients, elle reçoit également de nombreux couples qui se parlent sans arrêt, et ne comprennent pas pourquoi leur sexualité s’en ressent. « À force de parler, le couple gêne un autre langage, celui du corps, il le contredit même parfois, perdant le contact avec les sensations, oubliant de regarder l’autre, analyse-t-elle. Ils ne peuvent atteindre cet état de conscience modifié qui leur permet ce laisser-aller indispensable au plaisir. » Mais quand surgit une difficulté sexuelle ? « En parler trop tôt ne fait souvent que l’enkyster : le couple doit se laisser le temps de tâtonner, de trouver son rythme. Un geste doux peut modifier un comportement, bien mieux qu’une injonction ou un reproche. »
Et puis nous pourrions apprendre à nous parler, juste pour nous dire que nous sommes heureux d’être ensemble… Là, notre temps de parole peut être illimité. « Le problème du couple, c’est qu’il préfère jouer dans un drame que dans une comédie », conclut en souriant Sophie Cadalen. Et si nous changions de registre ?
« Ce n’est pas le passé que nous ressassons, c’est l’avenir ! »
Françoise, 66 ans, retraitée
« Pourquoi faire des bilans ? Nous, nous profitons de l’instant présent. L’échéance arrive si vite ! Bien sûr que nous avons traversé des tempêtes. On a dû se réajuster. Mais plus nous avancions en âge, plus nous savions que nous vieillirions ensemble. C’est devenu une évidence il y a une quinzaine d’années. Pascal galérait dans sa société car il ne trouvait pas de collaboratrice. J’ai laissé mon poste de directrice administrative d’un Samu pour le rejoindre. Cette période a été difficile professionnellement, mais tellement épanouissante amoureusement. C’était comme une répétition pour notre retraite, survenue six ans après. Nous étions heureux comme des ados. Rien n’a changé. Pas besoin de vérifier son amour. Ses attitudes, ses paroles, notre complicité en sont la démonstration. On se fait plein de bisous, on se prend par la main. Il est si attentionné. Lors de mon hospitalisation pour ma tumeur au rein, il me glissait des petits mots sous mon oreiller. Ses travers ? Son tempérament excessif m’insupporte parfois, mais je laisse couler. Il ne changera pas. Les querelles du style “tu as fait ci”, “tu m’as dit ça” sont une perte de temps. En revanche, s’il a des réactions de “vieux”, je lui en parle. Tranquillement. Ce n’est pas le passé que nous ressassons, c’est l’avenir ! Nous faisons des prévisions pour être le mieux possible ensemble. Le jour où il arrive quoi que ce soit, nous ne voulons pas avoir de regrets. Ce n’est pas marrant de vieillir, alors allons de l’avant ! »
« Notre amour est devenu une évidence »
Pascal, 68 ans, retraité
« Je n’ai jamais douté de son amour. Je lui ai toujours dit que nous finirions notre vie ensemble. Françoise, elle, avait très peur qu’on se sépare. Maintenant, c’est acquis. Ce qui l’angoisse désormais, c’est que l’on soit séparés par la mort. Pendant longtemps, à chaque anniversaire de mariage, on dînait au restaurant et on faisait le point : ce qui allait, ce qui n’allait pas, les reproches… À l’approche de la cinquantaine, nous avons arrêté. Notre amour est devenu une évidence. Nous savons ce que nous voulons et où nous allons. Nous n’avons pas de coups de gueule. Sans doute parce que nous avons les mêmes envies et les mêmes attentes. Ce qui ne nous empêche pas de dire à l’autre ce qui ne nous plaît pas. Dernièrement, elle m’a fait remarquer ma démarche de vieux – j’ai de l’arthrose. L’autre soir, je lui ai fait remarquer qu’elle râlait comme une vieille contre la voisine qui répandait une odeur de barbecue. On en rigole et on rectifie. Perdre deux heures à se faire la tête parce que quelque chose ne nous plaît pas, non. La retraite, c’est justement une vie agréable dont il faut profiter. Profiter de son couple, de ses enfants et petits-enfants. Et improviser. On ne sait pas ce que l’on va faire demain. Ah si, nous irons au cinéma. On adore ! J’en connais, des couples qui devraient faire un bilan, des gens qui vivent côte à côte mais pas ensemble. Nous, pas la peine. La clé ? Nous nous marrons ensemble. »
Propos recueillis par Marie Le Marois.
Sur: www.psychologies.com
Jusqu’à une époque pas si lointaine, le couple se souciait peu de mettre sur la table ses problèmes. Les non-dits s’accumulaient, la rancoeur s’installait, donnant naissance à une incompréhension totale, voire à une violence insidieuse et constante. Les thérapeutes de couple d’abord, les magazines féminins ensuite, se sont unis pour délivrer un message unanime : le couple doit se parler. Mais se parler pour dire quoi ? « Assieds-toi, il faut qu’on parle… » Si ce mot d’ordre finit par ne résonner qu’en écho d’une infinie plainte, n’est-ce pas parce que ces échanges ne sont souvent destinés qu’à demander des comptes à l’autre ou à formuler des reproches ? « La discussion dans le couple se résume fréquemment à un brouhaha de récriminations, qui masquent plus les frustrations qu’elles ne les lèvent, constate la psychanalyste Sophie Cadalen, auteure notamment d’Inventer son couple, préserver le désir au quotidien (Eyrolles, 2006). Parce que dans ce flot de paroles, il est rarement question de chacun en tant que sujet singulier. Au lieu de s’avancer vers son partenaire avec une parole sur soi, avec ses doutes, on entame une partie de ping-pong où l’un et l’autre restent plus sur la défensive que dans la compréhension du problème. Résultat : aucune parole nouvelle n’émerge, chacun en sort conforté dans ses certitudes, d’où, bien souvent, le sentiment que discuter ne sert finalement à rien. »
Tout savoir, tout maîtriser ?
Coincés dans cette injonction de tout se dire, nous confondons parfois exigence de se parler avec souci d’honnêteté. Cette dissection permanente est une tentative de tout comprendre de l’autre, donc de le maîtriser. Mais chacun a des angoisses inintelligibles, peu communicables avec des mots, et qu’il vaut mieux garder pour soi. Après trois ans de vie commune, Hélène est tombée de haut le jour où son compagnon lui a avoué qu’il avait des difficultés à se sentir amoureux, ayant subi la tyrannie d’une mère castratrice. Avec le recul, elle se serait bien passée de cette explication qu’elle avait provoquée.
La sexologue et thérapeute de couple Ghislaine Paris, auteure de Faire l’amour pour éviter la guerre dans le couple (Albin Michel, 2010) voit tous les jours des patients confrontés à ce dilemme : « L’amour échappe à un schéma rationnel, il n’y a pas de réponse claire et tranchée, les sentiments sont fluctuants, les mots ne recouvrent jamais totalement l’émotion en jeu, d’où un grand nombre de malentendus. Pour moi, le couple communique plus avec le regard, la gestuelle, l’intonation, l’odeur. Voilà ce qui nous place en empathie avec ce que ressent vraiment l’autre. » « Dans le “il faut parler”, j’entends le côté besogneux de la communication, comme s’il s’agissait d’un devoir du couple, souligne Sophie Cadalen. Mais de nombreuses situations s’éclaircissent d’elles-mêmes, sans faire forcément l’objet d’un débat. »
D'autres façons de s'entendre
De nombreux couples règlent bien des difficultés en pratiquant une activité ensemble, comme Anne, qui part en balade réconciliatrice avec son mari en montagne : ils reviennent tous deux « lavés » de leurs soucis par l’effort et la transpiration ! Quand ils sentent pointer un problème, d’autres renforcent leur attention à l’autre et se passent de grands discours… « Trop de parole tue la parole, met en garde Sophie Cadalen. Comme en analyse, le couple a besoin de traverser des périodes de silence. Elles constituent une vraie respiration, qui donnera plus de sens à ce qui sera dit par la suite. » Sans compter que les mots peuvent faire des ravages… « Avec mon premier mari, nous passions notre temps à discuter, nous nous sommes dit des choses terribles, pas effaçables », se souvient Isabelle, 44 ans, qui se garde bien de recommencer la même erreur avec son nouveau compagnon.
Bien sûr, il ne s’agit pas de ne jamais se parler. Certains problèmes nécessitent une discussion, et se taire reviendrait à une fuite. Mais comment entamer un véritable échange ? Tout d’abord, en prenant le temps d’analyser nos sentiments, ce que nous voulons transmettre, ce qui évite de déclencher une discussion sous le coup de la colère. Tout en nous gardant bien d’analyser notre couple comme le bilan d’une entreprise. « Même derrière des sujets anodins tels que les vacances ou l’argent, chacun parle de soi, de son éducation, de sa famille. Il y a toujours beaucoup d’émotion, il ne s’agit jamais d’éléments factuels à régler froidement. Pour se parler vraiment, chacun doit pouvoir exprimer son ressenti, en demandant à l’autre sincèrement ce qu’il ressent lui aussi », préconise Ghislaine Paris. Parmi ses patients, elle reçoit également de nombreux couples qui se parlent sans arrêt, et ne comprennent pas pourquoi leur sexualité s’en ressent. « À force de parler, le couple gêne un autre langage, celui du corps, il le contredit même parfois, perdant le contact avec les sensations, oubliant de regarder l’autre, analyse-t-elle. Ils ne peuvent atteindre cet état de conscience modifié qui leur permet ce laisser-aller indispensable au plaisir. » Mais quand surgit une difficulté sexuelle ? « En parler trop tôt ne fait souvent que l’enkyster : le couple doit se laisser le temps de tâtonner, de trouver son rythme. Un geste doux peut modifier un comportement, bien mieux qu’une injonction ou un reproche. »
Et puis nous pourrions apprendre à nous parler, juste pour nous dire que nous sommes heureux d’être ensemble… Là, notre temps de parole peut être illimité. « Le problème du couple, c’est qu’il préfère jouer dans un drame que dans une comédie », conclut en souriant Sophie Cadalen. Et si nous changions de registre ?
« Ce n’est pas le passé que nous ressassons, c’est l’avenir ! »
Françoise, 66 ans, retraitée
« Pourquoi faire des bilans ? Nous, nous profitons de l’instant présent. L’échéance arrive si vite ! Bien sûr que nous avons traversé des tempêtes. On a dû se réajuster. Mais plus nous avancions en âge, plus nous savions que nous vieillirions ensemble. C’est devenu une évidence il y a une quinzaine d’années. Pascal galérait dans sa société car il ne trouvait pas de collaboratrice. J’ai laissé mon poste de directrice administrative d’un Samu pour le rejoindre. Cette période a été difficile professionnellement, mais tellement épanouissante amoureusement. C’était comme une répétition pour notre retraite, survenue six ans après. Nous étions heureux comme des ados. Rien n’a changé. Pas besoin de vérifier son amour. Ses attitudes, ses paroles, notre complicité en sont la démonstration. On se fait plein de bisous, on se prend par la main. Il est si attentionné. Lors de mon hospitalisation pour ma tumeur au rein, il me glissait des petits mots sous mon oreiller. Ses travers ? Son tempérament excessif m’insupporte parfois, mais je laisse couler. Il ne changera pas. Les querelles du style “tu as fait ci”, “tu m’as dit ça” sont une perte de temps. En revanche, s’il a des réactions de “vieux”, je lui en parle. Tranquillement. Ce n’est pas le passé que nous ressassons, c’est l’avenir ! Nous faisons des prévisions pour être le mieux possible ensemble. Le jour où il arrive quoi que ce soit, nous ne voulons pas avoir de regrets. Ce n’est pas marrant de vieillir, alors allons de l’avant ! »
« Notre amour est devenu une évidence »
Pascal, 68 ans, retraité
« Je n’ai jamais douté de son amour. Je lui ai toujours dit que nous finirions notre vie ensemble. Françoise, elle, avait très peur qu’on se sépare. Maintenant, c’est acquis. Ce qui l’angoisse désormais, c’est que l’on soit séparés par la mort. Pendant longtemps, à chaque anniversaire de mariage, on dînait au restaurant et on faisait le point : ce qui allait, ce qui n’allait pas, les reproches… À l’approche de la cinquantaine, nous avons arrêté. Notre amour est devenu une évidence. Nous savons ce que nous voulons et où nous allons. Nous n’avons pas de coups de gueule. Sans doute parce que nous avons les mêmes envies et les mêmes attentes. Ce qui ne nous empêche pas de dire à l’autre ce qui ne nous plaît pas. Dernièrement, elle m’a fait remarquer ma démarche de vieux – j’ai de l’arthrose. L’autre soir, je lui ai fait remarquer qu’elle râlait comme une vieille contre la voisine qui répandait une odeur de barbecue. On en rigole et on rectifie. Perdre deux heures à se faire la tête parce que quelque chose ne nous plaît pas, non. La retraite, c’est justement une vie agréable dont il faut profiter. Profiter de son couple, de ses enfants et petits-enfants. Et improviser. On ne sait pas ce que l’on va faire demain. Ah si, nous irons au cinéma. On adore ! J’en connais, des couples qui devraient faire un bilan, des gens qui vivent côte à côte mais pas ensemble. Nous, pas la peine. La clé ? Nous nous marrons ensemble. »
Propos recueillis par Marie Le Marois.
Sur: www.psychologies.com