Chronicles
THE WRITINGS OF FAUCON
You will find several articles dealing with mainly social trends relate to a couples life. Mr. Leblanc is a columnist for various newspapers and magazines and his writing style says a lot about him. Hot topics, sprinkled with humor, there is something for any and all readers.
Il n’y a pas d’âge maximum ni de crédit limité. Pas moyen de résister non plus. Quand l’amour nous emporte à nouveau, que ça chamboule tout dans notre vie ...
Tomber amoureuse, être terrassée, subjuguée, transportée… Il y a celles qui guettent ça, celles qui semblent avoir hérité d’un abonnement à vie et celles qui brandissent leur paratonnerre de peur de se faire consumer. Mais pour toutes et à chaque fois c’est le (même) miracle. L’absolument imprévisible, l’incontrôlable.
"Je me revois encore toute tremblante, la gorge serrée, en train de descendre cet escalier pour le rejoindre, comme si ma vie en dépendait… J’avais l’impression d’avoir 14 ans », se souvient Cécile, encore émerveillée d’être tombée de nouveau amoureuse à 45 ans. « J’avais la nausée, le vertige, poursuit-elle, et je m’accrochais à la rampe de crainte de glisser. Symbolique : j’avais peur de chuter, mais je me hâtais de foncer dans le précipice ! Je croyais que ça ne m’arriverait plus, après avoir été trop abîmée dans ma relation avec les hommes. Je pensais que ces sentiments étaient réservés à des plus jeunes et plus naïves que moi. Avec Franck, tout est revenu, comme par magie : j’étais prête à plonger, à m’abandonner sans filet, car malgré mes échecs passés, avec lui je me sentais pousser des ailes ! »
Retomber amoureuse : nulle n'est à l'abri
"Moi qui avais toujours été l’oreille de mes amies, la conseillère en amour, incapable d’éprouver ce genre d’émotions, je me suis retrouvée, à mon tour, en parfaite héroïne d’un roman Harlequin », raconte Marie, éternelle « rationnelle », amoureuse pour la première fois à 30 ans. « Alex a fait valdinguer toutes mes belles certitudes et mon bouclier de protection, raconte-t-elle. Il a éveillé en moi tous les symptômes de l'amour que j’avais tant méprisés : le cœur qui bat la chamade, le fait de rire pour tout et n’importe quoi, de pleurer, aussi… Et ce besoin terrible de savoir, en permanence, ce qu’il fait, où il en est et, surtout, s’il m’aime autant que moi je l’aime. C’était comme une chute vertigineuse que je ne pouvais pas éviter. Au début, je m’en voulais d’être devenue vulnérable et de connaître à mon tour la dépendance, la vraie, celle qui coupe l’appétit, rend folle de jalousie. Je vivais chaque jour avec l’angoisse de le perdre, la crainte qu’il ne se lasse et disparaisse. Mais quelle drogue ! Quelle chance de se sentir enfin reliée à quelqu’un (qui est dans le même mood) !"
Nulle n’est à l’abri du coup de tonnerre dans un ciel serein, même celles qui s’en protègent, de peur de souffrir, ou juste de perdre le contrôle.
« Je croyais bien être blindée, se souvient Chantal, 49 ans. J’en avais trop bavé, je me croyais hors de danger. Et Luc est entré dans mon existence comme par effraction. En fait, il ne ressemblait pas aux autres hommes de ma vie, l’émotion n’était pas la même, j’ai plongé peu à peu. (Rires.) Par e-mails, moi qui n’avais jamais flirté via Internet ! Quand j’ai finalement reconnu les symptômes (le manque, l’euphorie, l’envie de vivre…), j’ai essayé de reprendre les rênes en main, mais c’était trop tard. Et au fond, je ne regrette rien : j’ai passé six mois (eh oui, c’est fini !) shootée au désir et au plaisir. »
Retomber amoureuse : la force du désir
Tourbillon, euphorie, vertige, drogue, ivresse… c’est tout le vocabulaire du cataclysme et de la dépendance qui revient quand on tente de mettre des mots sur cet état : le fameux « innamoramento » (« amour naissant ») longuement décrit par le sociologue Francesco Alberoni dans son livre culte « Le choc amoureux » (1). L’étincelle dans la grisaille, ce moment miraculeux où tout est possible. « C’est un bouleversement radical de la sensibilité, de l’esprit et du cœur, qui fond ensemble deux êtres différents et éloignés, écrit-il dans « Je t’aime, Tout sur la passion amoureuse » (2). C’est une faim, un violent désir, mais, en même temps, l’élan, l’héroïsme et l’oubli de soi. »
Question d’hormones ? Nombre de scientifiques et de penseurs ont tenté de décrypter le mystère. Lucy Vincent, spécialiste de la neurobiologie de l’amour, affirme que ce sentiment est un piège de la nature pour nous pousser à nous reproduire, un processus chimique de courte durée. Un subtil cocktail de neurotransmetteurs (testostérone, ocytocine, lulibérine, dopamine, endorphines…) qui nous fait planer, désirer, jouir, oser.
Nous sommes programmés pour être aveuglés par l’amour
« Lors du choc amoureux, on produit des substances euphorisantes qui activent le circuit naturel du plaisir et nous donnent envie d’aimer encore plus, explique Michel Reynaud, psychiatre et professeur de psychiatrie, spécialiste des addictions (3). Une fois que ces hormones sont libérées, on cherche à les réactiver à tout prix, tel le toxicomane et sa dose de plaisirs éphémères… Nous sommes programmés pour être aveuglés par l’amour, car nous sommes conditionnés par le besoin de pulsion de vie et de reproduction de l’espèce humaine. Mais la génétique et la biologie n’expliquent pas tout… »
« Pourquoi adorons-nous l’amour ? s’interroge la philosophe Olivia Gazalé(4). Pour mille et une raisons qui ne sont pas que chimiques ! Il y a quelque chose de divin dans l’état amoureux : on tombe, on chute, puis on a le sentiment de s’envoler. C’est un élan extraordinaire qui transporte de la terre vers le ciel. Un moment où tout prend sens, où on se sent reconnu. Sartre disait que lorsqu’on est aimé on se sent justifié d’exister. Le choc amoureux est un choc métaphysique qui provoque la chute des fortifications intérieures qu’on avait érigées pour se protéger. Déstabilisée, on baisse la garde, et toutes les murailles s’effondrent. On entre alors dans un moment de renaissance où on se découvre “autre”, et c’est sans doute ce qui est le plus exaltant. »
Retomber amoureuse : comme si c'était la première fois
Dès la première fois, de fait, c’est une renaissance, une nouvelle façon d’être au monde, séparée de la famille, des amis, du passé… Une révolution. Et chaque fois que ça recommence, c’est la vie qui revient. Celle des débuts, de l’arbre qui bourgeonne, de la fleur qui éclôt. Un printemps.
« On retombe en adolescence, résume en se marrant Claire, qui a succombé de nouveau, à 55 ans. Comme si rien n’avait existé avant. Comme si c’était la première fois. Moi je n’ai rien vu venir. Surtout que Marc n’était pas mon genre d’hommes. J’ai juste reconnu les signes : la pensée de l’autre qui vire à l’obsession, la chaleur électrique quand il vous frôle, les rougissements, le rire bête, les doutes, le besoin d’en parler à tout le monde, de le voir, de l’entendre. J’allais pourtant bien dans ma vie, mais disons que ça roulait. Le calme avant la tempête ! (Rires.) Là, soudain, c’était le grand 8. Tout (me) chavirait, le sang battait dans mes veines, mon cerveau tournait à plein régime. J’avais quitté la position “veille”. »
Le grand charivari n’arrive pas toujours au bon moment
Mais le grand charivari n’arrive pas toujours au bon moment. C’est parfois un raz-de-marée qui, malgré toutes nos résistances, emporte tout, même les tuteurs qui (croyait-on) nous tenaient debout.
Alors qu’elle était tout juste mariée, et apparemment comblée dans sa vie si équilibrée, Sarah a décidé de briser son couple avec Julien et de renoncer à leur projet de bébé quelques semaines à peine après avoir retrouvé Max, un ancien camarade du lycée. « Comme une évidence, j’ai compris que je ne voulais et ne pouvais plus me passer de Max. Il m’avait réveillée. Je ne crois pas aux contes de fées, mais j’ai senti que grâce à lui tout allait basculer. J’avais perdu 4 kg en deux semaines, je ne m’étais jamais sentie aussi légère… Je flottais alors que je savais que ma vie et toutes ses fondations allaient exploser. Aujourd’hui, Julien et moi sommes divorcés. Je sais que je l’ai fait beaucoup souffrir, mais je n’ai pas eu le choix. Rester avec lui serait revenu à me sacrifier. Avec Max, on ne parle ni d’enfants ni d’avenir. On est dans le présent. Et je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Je sais que je suis avec lui pour de vraies bonnes raisons. »
Retomber amoureuse : il faut du chaos, de l’abandon, du lâcher-prise
Contrairement aux apparences, en fait, on ne tombe pas amoureuse n’importe quand. « L’amour agit souvent comme révélateur, commente la psychanalyste Sophie Cadalen, il arrive rarement par hasard. C’est un déclencheur qui chamboule tout sur son passage. Un élan vital qui peut donner la force de faire le ménage, de bousculer sa vie (couple ronronnant, existence qui ne nous ressemble pas…) sans avoir à le regretter. Même si l’état amoureux ne débouche pas forcément sur du durable, c’est l’occasion d’apprendre sur soi – sur ce dont on ne veut plus, en tout cas. Un état transitoire qui permet de trouver le courage de se rapprocher de la personne qu’on est vraiment… C’est aussi pour ça qu’on aime cet état là. Un état qui balaie tout. »
Une force qui n’emporte, en fait, que ce qui chancelait déjà. Un plein qui ne trouverait pas sa place s’il ne trouvait en face un vide, une vacance, une place juste pour lui.
On ne peut pas provoquer l’état amoureux
« Nous devenons amoureux quand nous sommes prêts à nous transformer, à abandonner une expérience déjà faite et usée, lorsque nous avons l’élan vital nécessaire pour accomplir une nouvelle exploration, pour changer de vie », explique Francesco Alberoni.
Et surtout pas quand on cherche à tomber amoureuse, quand on le désire, quand on se croit « prête ». C’est plutôt tout le contraire. « On ne peut pas provoquer l’état amoureux, confirme Sophie Cadalen. Cela ne se contrôle pas. Parfois, le système de fonctionnement est d’ailleurs totalement verrouillé… On est parfois des barricadées de l’amour sans le savoir. Pour tomber amoureuse, il faut laisser tomber la quête volontaire : il faut du chaos, de l’abandon, du lâcher-prise. »
D’où ces amours improbables qui déboulent dans les pires moments. Ou ces passions qui renaissent de cendres qu’on croyait définitivement éteintes. A 46 ans, Julie menait une vie de mère célibataire épanouie. « J’avais eu mon quota d’histoires, raconte-t-elle, plus ou moins fortes, connu le grand frisson, et je me croyais définitivement sauvée de cet aveuglement. Alors, quand j’ai revu François, le grand amour de mes 20 ans, après une très longue période de silence, je ne me suis pas méfiée. J’avais fait le deuil sentimental de cet homme qui m’en avait fait baver, qui m’avait trompée avec mes copines, fait perdre beaucoup de temps et d’illusions. Je l’avais quitté, fui plutôt, comme une maladie dont je me croyais vaccinée. Je suis pourtant très facilement retombée amoureuse de lui, de sa voix, de sa peau et de ses insupportables manies. Mais j’avais, cette fois, l’expérience et une certaine maturité pour moi. Aujourd’hui, le sel de mes journées c’est de pouvoir me consacrer à cette histoire jamais somnolente et qui continue de m’envoûter comme par magie. »
Retomber amoureuse : baisser la garde
C’est lorsqu’on a baissé la garde, en général, que ça nous tombe dessus. Quand on n’y pense pas ou plus. Parfois en plein chaos : malade, en deuil… Quand on est le plus vulnérable, en fait.
« Ces bonheurs non attendus apparaissent justement parce que la vigilance est tombée, explique Sophie Cadalen. A des femmes qui ne sont pas aux aguets et laissent la place au possible. Dans le deuil, la maladie, on est occupée par la lutte, par le chagrin. On est tellement prise, focalisée que, du coup, on n’est pas préparée à la rencontre. Et en cessant d’être dans la maîtrise on devient disponible, à notre insu. Comme ces femmes qui tombent amoureuses pendant leur grossesse : elles sont physiquement mobilisées, monopolisées, sans défenses. »
Sylvie se souvient de sa rencontre avec Marc, en pleine chimiothérapie pour vaincre un cancer du sein : « Sans cheveux, un sein et 10 kg en moins... Cette histoire n’a été qu’une parenthèse, mais une parenthèse de vie et de lumière au fond du gouffre. Je n’avais jamais été aussi peu séduisante de ma vie, mais justement sans doute. On s’est croisés au plus profond, au plus vrai. »
Comme un feu d’artifice qui soudain cesse
« De manière moins dramatique, on tombe souvent de nouveau amoureuse lorsqu’on est dans un changement de vie, poursuit Sophie Cadalen. A l’occasion d’un déménagement, d’un changement d’activité professionnelle, quand l’intérêt est engagé ailleurs que dans la quête amoureuse. On est paradoxalement plus disponible lorsqu’on ne cherche pas à l’être. »
C’est capricieux, l’état amoureux, ingérable. Ça nous fait décoller, nous coupe des autres, du réel… Et puis ça nous redépose, le temps venu. Plus ou moins délicatement. Comme un feu d’artifice qui soudain cesse, nous laissant un peu abasourdie. « Heureusement », pensent les unes, que les montagnes russes du cœur épuisent. « Quel dommage », pour celles qui n’aiment que l’intense, les accros à l’adrénaline.
De toute façon, on n’a pas le choix. Sauf celui d’essayer d’inventer une suite, si possible aussi palpitante. « Après l’effervescence des débuts vient le moment des grandes découvertes, souligne Sophie Cadalen. Il y a un passage à négocier entre le shoot bouleversant et le quotidien à découvrir et à inventer ensemble. » Ce qui peut être tout aussi passionnant.
1. et 2. Ed. Pocket. 3. Auteur de « L’amour est une drogue douce… en général » (éd. Robert Laffont). 4. Auteure de « Je t’aime à la philo » (éd. Robert Laffont).
Par : Alix Leduc
Sur : www.marieclaire.fr
Tomber amoureuse, être terrassée, subjuguée, transportée… Il y a celles qui guettent ça, celles qui semblent avoir hérité d’un abonnement à vie et celles qui brandissent leur paratonnerre de peur de se faire consumer. Mais pour toutes et à chaque fois c’est le (même) miracle. L’absolument imprévisible, l’incontrôlable.
"Je me revois encore toute tremblante, la gorge serrée, en train de descendre cet escalier pour le rejoindre, comme si ma vie en dépendait… J’avais l’impression d’avoir 14 ans », se souvient Cécile, encore émerveillée d’être tombée de nouveau amoureuse à 45 ans. « J’avais la nausée, le vertige, poursuit-elle, et je m’accrochais à la rampe de crainte de glisser. Symbolique : j’avais peur de chuter, mais je me hâtais de foncer dans le précipice ! Je croyais que ça ne m’arriverait plus, après avoir été trop abîmée dans ma relation avec les hommes. Je pensais que ces sentiments étaient réservés à des plus jeunes et plus naïves que moi. Avec Franck, tout est revenu, comme par magie : j’étais prête à plonger, à m’abandonner sans filet, car malgré mes échecs passés, avec lui je me sentais pousser des ailes ! »
Retomber amoureuse : nulle n'est à l'abri
"Moi qui avais toujours été l’oreille de mes amies, la conseillère en amour, incapable d’éprouver ce genre d’émotions, je me suis retrouvée, à mon tour, en parfaite héroïne d’un roman Harlequin », raconte Marie, éternelle « rationnelle », amoureuse pour la première fois à 30 ans. « Alex a fait valdinguer toutes mes belles certitudes et mon bouclier de protection, raconte-t-elle. Il a éveillé en moi tous les symptômes de l'amour que j’avais tant méprisés : le cœur qui bat la chamade, le fait de rire pour tout et n’importe quoi, de pleurer, aussi… Et ce besoin terrible de savoir, en permanence, ce qu’il fait, où il en est et, surtout, s’il m’aime autant que moi je l’aime. C’était comme une chute vertigineuse que je ne pouvais pas éviter. Au début, je m’en voulais d’être devenue vulnérable et de connaître à mon tour la dépendance, la vraie, celle qui coupe l’appétit, rend folle de jalousie. Je vivais chaque jour avec l’angoisse de le perdre, la crainte qu’il ne se lasse et disparaisse. Mais quelle drogue ! Quelle chance de se sentir enfin reliée à quelqu’un (qui est dans le même mood) !"
Nulle n’est à l’abri du coup de tonnerre dans un ciel serein, même celles qui s’en protègent, de peur de souffrir, ou juste de perdre le contrôle.
« Je croyais bien être blindée, se souvient Chantal, 49 ans. J’en avais trop bavé, je me croyais hors de danger. Et Luc est entré dans mon existence comme par effraction. En fait, il ne ressemblait pas aux autres hommes de ma vie, l’émotion n’était pas la même, j’ai plongé peu à peu. (Rires.) Par e-mails, moi qui n’avais jamais flirté via Internet ! Quand j’ai finalement reconnu les symptômes (le manque, l’euphorie, l’envie de vivre…), j’ai essayé de reprendre les rênes en main, mais c’était trop tard. Et au fond, je ne regrette rien : j’ai passé six mois (eh oui, c’est fini !) shootée au désir et au plaisir. »
Retomber amoureuse : la force du désir
Tourbillon, euphorie, vertige, drogue, ivresse… c’est tout le vocabulaire du cataclysme et de la dépendance qui revient quand on tente de mettre des mots sur cet état : le fameux « innamoramento » (« amour naissant ») longuement décrit par le sociologue Francesco Alberoni dans son livre culte « Le choc amoureux » (1). L’étincelle dans la grisaille, ce moment miraculeux où tout est possible. « C’est un bouleversement radical de la sensibilité, de l’esprit et du cœur, qui fond ensemble deux êtres différents et éloignés, écrit-il dans « Je t’aime, Tout sur la passion amoureuse » (2). C’est une faim, un violent désir, mais, en même temps, l’élan, l’héroïsme et l’oubli de soi. »
Question d’hormones ? Nombre de scientifiques et de penseurs ont tenté de décrypter le mystère. Lucy Vincent, spécialiste de la neurobiologie de l’amour, affirme que ce sentiment est un piège de la nature pour nous pousser à nous reproduire, un processus chimique de courte durée. Un subtil cocktail de neurotransmetteurs (testostérone, ocytocine, lulibérine, dopamine, endorphines…) qui nous fait planer, désirer, jouir, oser.
Nous sommes programmés pour être aveuglés par l’amour
« Lors du choc amoureux, on produit des substances euphorisantes qui activent le circuit naturel du plaisir et nous donnent envie d’aimer encore plus, explique Michel Reynaud, psychiatre et professeur de psychiatrie, spécialiste des addictions (3). Une fois que ces hormones sont libérées, on cherche à les réactiver à tout prix, tel le toxicomane et sa dose de plaisirs éphémères… Nous sommes programmés pour être aveuglés par l’amour, car nous sommes conditionnés par le besoin de pulsion de vie et de reproduction de l’espèce humaine. Mais la génétique et la biologie n’expliquent pas tout… »
« Pourquoi adorons-nous l’amour ? s’interroge la philosophe Olivia Gazalé(4). Pour mille et une raisons qui ne sont pas que chimiques ! Il y a quelque chose de divin dans l’état amoureux : on tombe, on chute, puis on a le sentiment de s’envoler. C’est un élan extraordinaire qui transporte de la terre vers le ciel. Un moment où tout prend sens, où on se sent reconnu. Sartre disait que lorsqu’on est aimé on se sent justifié d’exister. Le choc amoureux est un choc métaphysique qui provoque la chute des fortifications intérieures qu’on avait érigées pour se protéger. Déstabilisée, on baisse la garde, et toutes les murailles s’effondrent. On entre alors dans un moment de renaissance où on se découvre “autre”, et c’est sans doute ce qui est le plus exaltant. »
Retomber amoureuse : comme si c'était la première fois
Dès la première fois, de fait, c’est une renaissance, une nouvelle façon d’être au monde, séparée de la famille, des amis, du passé… Une révolution. Et chaque fois que ça recommence, c’est la vie qui revient. Celle des débuts, de l’arbre qui bourgeonne, de la fleur qui éclôt. Un printemps.
« On retombe en adolescence, résume en se marrant Claire, qui a succombé de nouveau, à 55 ans. Comme si rien n’avait existé avant. Comme si c’était la première fois. Moi je n’ai rien vu venir. Surtout que Marc n’était pas mon genre d’hommes. J’ai juste reconnu les signes : la pensée de l’autre qui vire à l’obsession, la chaleur électrique quand il vous frôle, les rougissements, le rire bête, les doutes, le besoin d’en parler à tout le monde, de le voir, de l’entendre. J’allais pourtant bien dans ma vie, mais disons que ça roulait. Le calme avant la tempête ! (Rires.) Là, soudain, c’était le grand 8. Tout (me) chavirait, le sang battait dans mes veines, mon cerveau tournait à plein régime. J’avais quitté la position “veille”. »
Le grand charivari n’arrive pas toujours au bon moment
Mais le grand charivari n’arrive pas toujours au bon moment. C’est parfois un raz-de-marée qui, malgré toutes nos résistances, emporte tout, même les tuteurs qui (croyait-on) nous tenaient debout.
Alors qu’elle était tout juste mariée, et apparemment comblée dans sa vie si équilibrée, Sarah a décidé de briser son couple avec Julien et de renoncer à leur projet de bébé quelques semaines à peine après avoir retrouvé Max, un ancien camarade du lycée. « Comme une évidence, j’ai compris que je ne voulais et ne pouvais plus me passer de Max. Il m’avait réveillée. Je ne crois pas aux contes de fées, mais j’ai senti que grâce à lui tout allait basculer. J’avais perdu 4 kg en deux semaines, je ne m’étais jamais sentie aussi légère… Je flottais alors que je savais que ma vie et toutes ses fondations allaient exploser. Aujourd’hui, Julien et moi sommes divorcés. Je sais que je l’ai fait beaucoup souffrir, mais je n’ai pas eu le choix. Rester avec lui serait revenu à me sacrifier. Avec Max, on ne parle ni d’enfants ni d’avenir. On est dans le présent. Et je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Je sais que je suis avec lui pour de vraies bonnes raisons. »
Retomber amoureuse : il faut du chaos, de l’abandon, du lâcher-prise
Contrairement aux apparences, en fait, on ne tombe pas amoureuse n’importe quand. « L’amour agit souvent comme révélateur, commente la psychanalyste Sophie Cadalen, il arrive rarement par hasard. C’est un déclencheur qui chamboule tout sur son passage. Un élan vital qui peut donner la force de faire le ménage, de bousculer sa vie (couple ronronnant, existence qui ne nous ressemble pas…) sans avoir à le regretter. Même si l’état amoureux ne débouche pas forcément sur du durable, c’est l’occasion d’apprendre sur soi – sur ce dont on ne veut plus, en tout cas. Un état transitoire qui permet de trouver le courage de se rapprocher de la personne qu’on est vraiment… C’est aussi pour ça qu’on aime cet état là. Un état qui balaie tout. »
Une force qui n’emporte, en fait, que ce qui chancelait déjà. Un plein qui ne trouverait pas sa place s’il ne trouvait en face un vide, une vacance, une place juste pour lui.
On ne peut pas provoquer l’état amoureux
« Nous devenons amoureux quand nous sommes prêts à nous transformer, à abandonner une expérience déjà faite et usée, lorsque nous avons l’élan vital nécessaire pour accomplir une nouvelle exploration, pour changer de vie », explique Francesco Alberoni.
Et surtout pas quand on cherche à tomber amoureuse, quand on le désire, quand on se croit « prête ». C’est plutôt tout le contraire. « On ne peut pas provoquer l’état amoureux, confirme Sophie Cadalen. Cela ne se contrôle pas. Parfois, le système de fonctionnement est d’ailleurs totalement verrouillé… On est parfois des barricadées de l’amour sans le savoir. Pour tomber amoureuse, il faut laisser tomber la quête volontaire : il faut du chaos, de l’abandon, du lâcher-prise. »
D’où ces amours improbables qui déboulent dans les pires moments. Ou ces passions qui renaissent de cendres qu’on croyait définitivement éteintes. A 46 ans, Julie menait une vie de mère célibataire épanouie. « J’avais eu mon quota d’histoires, raconte-t-elle, plus ou moins fortes, connu le grand frisson, et je me croyais définitivement sauvée de cet aveuglement. Alors, quand j’ai revu François, le grand amour de mes 20 ans, après une très longue période de silence, je ne me suis pas méfiée. J’avais fait le deuil sentimental de cet homme qui m’en avait fait baver, qui m’avait trompée avec mes copines, fait perdre beaucoup de temps et d’illusions. Je l’avais quitté, fui plutôt, comme une maladie dont je me croyais vaccinée. Je suis pourtant très facilement retombée amoureuse de lui, de sa voix, de sa peau et de ses insupportables manies. Mais j’avais, cette fois, l’expérience et une certaine maturité pour moi. Aujourd’hui, le sel de mes journées c’est de pouvoir me consacrer à cette histoire jamais somnolente et qui continue de m’envoûter comme par magie. »
Retomber amoureuse : baisser la garde
C’est lorsqu’on a baissé la garde, en général, que ça nous tombe dessus. Quand on n’y pense pas ou plus. Parfois en plein chaos : malade, en deuil… Quand on est le plus vulnérable, en fait.
« Ces bonheurs non attendus apparaissent justement parce que la vigilance est tombée, explique Sophie Cadalen. A des femmes qui ne sont pas aux aguets et laissent la place au possible. Dans le deuil, la maladie, on est occupée par la lutte, par le chagrin. On est tellement prise, focalisée que, du coup, on n’est pas préparée à la rencontre. Et en cessant d’être dans la maîtrise on devient disponible, à notre insu. Comme ces femmes qui tombent amoureuses pendant leur grossesse : elles sont physiquement mobilisées, monopolisées, sans défenses. »
Sylvie se souvient de sa rencontre avec Marc, en pleine chimiothérapie pour vaincre un cancer du sein : « Sans cheveux, un sein et 10 kg en moins... Cette histoire n’a été qu’une parenthèse, mais une parenthèse de vie et de lumière au fond du gouffre. Je n’avais jamais été aussi peu séduisante de ma vie, mais justement sans doute. On s’est croisés au plus profond, au plus vrai. »
Comme un feu d’artifice qui soudain cesse
« De manière moins dramatique, on tombe souvent de nouveau amoureuse lorsqu’on est dans un changement de vie, poursuit Sophie Cadalen. A l’occasion d’un déménagement, d’un changement d’activité professionnelle, quand l’intérêt est engagé ailleurs que dans la quête amoureuse. On est paradoxalement plus disponible lorsqu’on ne cherche pas à l’être. »
C’est capricieux, l’état amoureux, ingérable. Ça nous fait décoller, nous coupe des autres, du réel… Et puis ça nous redépose, le temps venu. Plus ou moins délicatement. Comme un feu d’artifice qui soudain cesse, nous laissant un peu abasourdie. « Heureusement », pensent les unes, que les montagnes russes du cœur épuisent. « Quel dommage », pour celles qui n’aiment que l’intense, les accros à l’adrénaline.
De toute façon, on n’a pas le choix. Sauf celui d’essayer d’inventer une suite, si possible aussi palpitante. « Après l’effervescence des débuts vient le moment des grandes découvertes, souligne Sophie Cadalen. Il y a un passage à négocier entre le shoot bouleversant et le quotidien à découvrir et à inventer ensemble. » Ce qui peut être tout aussi passionnant.
1. et 2. Ed. Pocket. 3. Auteur de « L’amour est une drogue douce… en général » (éd. Robert Laffont). 4. Auteure de « Je t’aime à la philo » (éd. Robert Laffont).
Par : Alix Leduc
Sur : www.marieclaire.fr